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Parole de fan...  Au début des années 1960, le démon du R‘n‘R m’avait déjà rattrapé. Mais, des artistes Sun, je ne connaissais que Jerry Lee Lewis et Carl Perkins, via les pressages London français facilement trouvables en province. Passant l’année scolaire 1965/ 66 comme assistant de français à King’s Lynn, Norfolk, j’ai découvert une émission de musique US, animée par Mike Raven, consacrée, une fois par semaine, au Rock‘n‘Roll...
  J’inscrivais les titres diffusés dans un cahier, leur attribuant une note, assortie d’un commentaire. Dès la première écoute (27 mars 1966) je suis tombé sur “Red headed woman“ par Sonny Burgess, dont l’intro piano/ trompette me laissa pantois. Je lui décernai un 18/ 20 (seules 4 ou 5 chansons ont obtenu 19 dans ce cahier) avec la mention “formidable rock’n’roll“, c’est dire si j’avais adoré ce morceau. Mike étant surtout un amateur de rhythm’n’blues et soul, il est logique qu’il ait choisi ce titre de Sonny, que j’entendis encore deux autres fois dans l’émission, avant les grandes vacances et mon retour au pays. Là, grâce à George Collange, qui importait 45t et 78t Sun, j’ai pu acquérir les premiers simples Sun de Sonny, devenu un de mes chanteurs Sun les moins connus (hors du Gotha de la marque : Jerry Lee Lewis, Johnny Cash, Elvis, Roy Orbison et Carl Perkins) préférés, avec Billy Lee Riley, lui aussi natif d’Arkansas.
  C’est donc aussi en fan, submergé de bonheur (en 2006, à St Denis-lès-Bourg, j’avais entendu la célèbre intro à la trompette pour la 1ère fois sur scène) que j’ai rédigé ce portrait. (BB)
 
 

Sonny Burgess fait partie des chanteurs importants de l’écurie Sun encore en vie. Le public a un nouveau* rendez-vous bressan, à Attignat, samedi 16 avril, pour lui rendre hommage, lors de ses 80 ans. Il a souvent été présenté, à tort, comme un interprète de rockabilly. Or il est un des rares artistes blancs Sun, avec Billy Lee Riley, à se démarquer de l‘influence d‘Elvis et des formations rockabilly en trio, n’hésitant pas à aligner deux guitaristes solistes ou à employer un trompettiste, chose unique dans les annales du rock‘n‘roll blanc.

La période pré-Sun
Albert Austin Burgess est né le 28 mai 1931 (et non le 31 comme l’indique l’Encyclopedia of Arkansas en ligne !) à Anderson, un village à 8 km de Newport, Arkansas, ville sise à une centaine de kilomètres de Memphis, Tennessee, d’Albert et Esta Burgess, dans une famille nombreuse (trois garçons et trois filles) de fermiers.
Il est très vite surnommé Sonny. Il ne se rappelle plus pourquoi, mais pense que c’est probablement parce que son père portait le même prénom. Il grandit en écoutant de la country et du blues, via le Grand Ole Opry et les stations radio de Memphis, pour le côté musical blanc ; via WDIA, une station de musique noire de Memphis, et WLAC de Nashville, sur laquelle les animateurs blancs Gene Nobles et John “R“ diffusaient du rhythm & blues, pour l’autre. Les interprètes qui le marquent sont Hank Williams, Ernest Tubb, dont il admirait les guitaristes, ou Lefty Frizzell, pour la country, Jimmy Reed, Big Joe Turner et les guitaristes du Delta, pour le blues et rockin’ rhythm’n’blues.
Une de ses sœurs aînées a une copine qui joue de la guitare et l’apporte lors de ses visites à la ferme familiale. Cela lui donne envie d‘en jouer. Ses parents ne s’intéressent pas à la musique, mais ses oncles vont l’aiguiller, en particulier Paul Davis, violoniste de bals country dans le comté de Jackson et ceux avoisinants. Avec les autres oncles, il l’emmène aux bals et ils le laissent jouer de la guitare d’accompagnement, une Gene Autry achetée par correspondance à Sears & Roebuck. Il se mettra ensuite à la guitare solo et à la basse. Alors qu’il fréquente encore le lycée, il monte les Rocky Road Ramblers avec Johnny Ray Hubbard (contrebasse) Gerald Jackson (batterie) et Bobby Stoner (vocal).
Le lycée derrière lui depuis un an, en 1949, il se retrouve guitariste au sein d’un groupe country semi-pro, avec Paul Whaley (vocal) les jumeaux Kern & Keith Kennedy (au même piano, Kern du côté des basses, Keith de l’autre côté !), qui ont appris l’instrument dans le sous-sol de l’église baptiste de Tuckerman, Russell Smith (batterie), Johnny Ray Hubbard (contrebasse), Al Wilson (violon ?) et Bob Armstrong (accordéon).
Puis Whaley quitte le groupe pour la Californie et, en 1950, Sonny (guitare) Johnny Ray Hubbard (contrebasse) Gerald Jackson (batterie) Forest Miller (violon) sont engagés pour accompagner, dans une émission radio locale (probablement sur KNBY) quotidienne et très matinale (6h30/ 7h), Fred Wayner (pseudo de l’époque de Fred Segrest) un chanteur hillbilly qui vit alors à Newport et deviendra célèbre sous le nom de Freddie Hart. Il aura même un disque d’or en 1971 avec Easy livin’. A son tour, Wayner part en Californie.
En 1951, Sonny est appelé sous les drapeaux. C’est l’époque de la guerre de Corée et il y échappe, se retrouvant instructeur de la police militaire à Heidelberg, Allemagne. Il y fait partie d’un nouveau groupe country, avec trois Texans, les frères Cook et un chanteur dont il a oublié le nom. Le groupe passe une audition et fait partie des huit retenus pour le Grand Ole Opry de l’USEURAC (les initiales doivent signifier quelque chose comme Théâtre aux armées des troupes US en Europe).
Sonny est libéré de ses obligations militaires en 1953. Il revient à Newport, où il trouve du travail dans une usine de fabrication de boîtes. Son ambition de l’époque est de faire carrière dans le baseball, au pire devenir fermier. Les événements vont en décider autrement...
Il retrouve Kern Kennedy et Hubbard, devenu fermier, rejoints par Russell Smith, alors comptable pour un concessionaire auto local, et les Moonlighters sont nés en 1954. Leur nom vient du Silver Moon, un club de la ville. C’est Sonny qui, dorénavant, assure le vocal. Ils se retrouvent souvent chez Hubbard, où un mandoliniste de 14 ans, Joe E. Lewis, les rejoint lors des répétitions. Il entre dans le groupe fin 1955, comme deuxième guitariste et chanteur.
Les Moonlighters ont alors un répertoire western swing/ hillbilly boogie. Ils passent dans les bars et salles de bal autour de Newport, la seule ville “humide“ (où on peut boire de l’alcool en public) du nord-est de l’Arkansas. Les comtés alentour étant secs, les clubs de Newport marchent bien et laissent même entrer les adolescents, alors que c’est illégal. Le plus important est le Silver Moon, d’une capacité de 1 000 personnes. Il y a aussi le Porky‘s Rooftop, Mike‘s 67 Club et le club 11/70 à Hazen. Ils se produisent généralement au B & I de Bob King, près de Swifton, le vendredi, le groupe jazz de quatre Noirs du saxophoniste Punky Cold well monopolisant le samedi.

Rencontre avec Elvis et période Sun
Le 24 octobre 1955, Elvis se produit au Silver Moon et Sonny est engagé comme vedette américaine. Il met sur pied une sorte de super-groupe de Newport, ajoutant Punky Coldwell aux Moonlighters. Après le gala, Elvis tente de récupérer Punky et Kern Kennedy pour donner un son plus plein à son groupe de scène. Le duo décline l’offre. Néanmoins, Elvis tirera bénéfice de cette soirée. C’est là qu’il aurait entendu les Moonlighters (qui ont pris grand soin de ne pas chanter les titres de son tour de chant habituel) interpréter One night, lui donnant ainsi l’idée de l’enregistrer. Les Moonlighters retrouvent Presley, et Johnny Cash, qui est tête d’affiche, le 9 décembre à Swifton. Ils passent d’abord au lycée de la ville à 19h puis, plus tard le soir, au B & I, où Elvis chante Heartbreak Hotel, annonçant que ce sera son premier tube. Ce sera un des derniers galas d’Elvis avant de quitter Sun.
Côtoyer Elvis incite les Moonlighters à tenter leur chance auprès de Sam Phillips. Ils ont un ami à radio KNBY, qui leur permet de répéter leurs compositions dans le studio de la station avant de se rendre à Memphis, début 1956, pour passer une audition. Comme souvent dans un tel cas, Phillips aime ce qu’il entend, mais leur demande de travailler encore leur son, qu’il veut plus agressif, et leur suggère d’ajouter un ou deux membres au groupe. C’est ainsi qu’ils engagent Joe Lewis, comme deuxième guitariste, et Jack Nance, alors directeur adjoint de l’orchestre du lycée de Newport, batteur qui a déjà joué avec Joe. Mais cela fait deux batteurs, un de trop. Qu’à cela ne tienne, Nance sait aussi jouer de la trompette, ce qui les démarquera des autres groupes utilisant un saxophoniste. C’est Joe qui leur trouve un nouveau nom, les Pacers, d’après un modèle d’avion de ce nom. Ils reviennent voir Sam Phillips, dans cette nouvelle mouture.
Il les engage, avec un contrat de 2 ans.
Le 2 mai 1956, au 706 Union Avenue, les Pacers (Joe Lewis/ gtr, Johnny Ray Hubbard/ cbss, Russell Smith/ bat, Ray Kern Kennedy/ pno, Jack Nance/ trp) et Sonny enregistrent Red headed woman, We wanna boogie, véritables chefs d‘oeuvre de rock’n’roll sauvage, Wings of an angel, en réalité The prisoner’s song, All night long et Life’s too short to live.
Seuls les deux premiers sont retenus pour figurer sur le simple Sun 247. Il se vend à 90 000 exemplaires et est surtout populaire dans la région de Boston, ce qu’ils ne découvriront qu’en s’y produisant durant leur période Conway Twitty. Sur un plan personnel, 1956 est une année importante pour Sonny, puisqu’il épouse Joann Adams. Ils auront deux fils, Peyton et John.
Les dates des autres sessions Sun et leur personnel sont très flous, en raison de la tenue erratique des fiches par Phillips, avec des noms volontairement changés de musiciens non agréés ou trop jeunes, en cas de contrôle du puissant syndicat des musiciens. De plus, de nombreux morceaux verront leur titre transcrit de manière erronée (délibérément ou pas ?) sur les boîtiers des bandes, comme pour Wings of an angel.

  Que retenir de cette période ? Bien sûr les cinq simples édités par Sam sur Sun, puis sa sous-marque Phillips International, maigre butin de 1956 à 1959. Le deuxième, Restless/ Ain’t got a thing (Sun 263), est enregistré à une date inconnue, avec le même groupe que pour le 247. Avec des paroles marrantes à la Chuck Berry (J’ai un chèque, mais pas moyen de l’encaisser, j’ai une femme, elle n’a aucune classe), Sonny croit  que Ain’t got a thing sera le tube qui lui permettra de devenir une grosse vedette. Mais le disque ne décollera jamais. De nos jours, il pense que le rythme était peut-être trop rapide pour danser, ce qui serait une des raisons de son échec.
Puis, lors d’une session notée s‘être déroulée le 14 août 1957, avec Johnny Ray Hubbard (cbss) Kern Kennedy (pno) et Jack Nance (bat), ce sont My bucket’s got a hole in it/ Sweet misery, dont les matrices font l’objet d’un tripatouillage avec ajout de chœurs féminins quelque temps après, pour le Sun 285, qui sort en décembre. Mais Ricky Nelson, alors une énorme vedette, enregistre sa version édulcorée de My bucket’s got a hole in it, pour Imperial, en janvier 1958, qui grimpe au n°18. Il aurait déclaré à un journaliste s‘être inspiré de celle de Sonny. Comme le dit ce dernier avec humour : “Ricky a changé la bière en lait“.
Le 22 juillet 1958, le personnel a changé : JC Caughron (gtr) Jack Clement (bss) JM Van Eaton (bat) Billy Lee Riley (harmonica, ajouté après et non lors de la session, d’après Sonny) et Charlie Rich (selon Sonny) ou Jimmy Wilson (selon Riley) au piano. Sont gravés 2 instrumentaux, un lent (Itchy) un rapide (Thunderbird, du nom d’une marque locale de vin) sur le Sun 304.
C’est sans doute en 1959, après deux années passées essentiellement sur les routes, que sont enregistrés le formidable Sadie’s back in town, avec J C Caughron (gtr) Frankie Siddeth (élec-bss) Raymond Thompson (bat voix de Woody Woodpecker, le rire étant assuré par Sonny lui-même) et un pianiste canadien inconnu, dont l’idée lui a été suggérée par son beau-frère Harry Adams, et A kiss goodnite, pour le Phillips International 3551 (sorti seulement en janvier 1960), qui engendrera son seul simple européen de la période, le London HLS 9064, édité en février. A noter que A kiss goodnite fera aussi l’objet d’un 45t promotionnel une face, de couleur orange (London MSY 4189). C’est la première fois, hormis les deux instrumentaux, que Sonny enregistre sans les Pacers.
Parmi les 29 autres morceaux non parus à l’époque, on retrouve les deux musiques entre lesquelles le cœur de Sonny balance, country et rhythm’n’blues, avec des titres comme All my sins are taken away (= Hand me down my walking cane) Goin’ home (= Ain’t gonna do it de Fats Domino) ou Sadie Brown (= Fanny Brown de Roy Brown)

Les Pacers de 1957 à 1959
En mars 1957, les deux membres célibataires, Joe Lewis et Russell Smith, quittent les Pacers. Russell rejoint Jerry Lee Lewis (on le voit à bord de la camionnette qui transporte le Jerry Lee Lewis Trio au début du film High School Confidential) et Joe poursuit sa carrière personnelle et rejoint vite Conway Twitty (il tient la basse et assure le vocal sur quelques morceaux). Il ne reste qu’un trio, Johnny Ray Hubbard, Kern Kennedy et Jack Nance, avant l’arrivée de Bobby Crafford.
Puis le groupe continue de se désagréger. Lors d’une tournée au Canada où se retrouvent Billy Riley et Conway Twitty, le groupe de ce dernier se dispute avec son patron pour des histoires de gros sous. Riley en profite pour offrir 25 dollars de plus que Twitty par semaine et le groupe accepte. Twitty se retrouve sans groupe de scène ! Il expédie donc le fidèle Joe Lewis à Memphis pour recruter un nouveau groupe. Il en revient avec son vieux pote Jack Nance, en août 1957. (Joe décédera dans un accident de moto à Nashville en 1976, alors qu’il faisait encore partie des Twitty Birds).
Sonny travaille un temps dans le magasin d’articles de sport d’un beau-frère, avant de rebâtir les Pacers avec JC Caughron (gtr) qui les a rejoints en mars 1958, Johnny Ray Hubbard (cbss) Kern Kennedy (pno) et Bobby Crafford (bat) arrivé en 1957.
Comme les ventes des simples Sun ont été décevantes et que leur contrat ne sera sans doute pas reconduit, lors d’une tournée sur la côte ouest, en août 1957, Sonny et les Pacers décident de chercher un nouveau contrat d’enregistrement. Bob Neal leur obtient une session d’essai chez Challenge. Ils passent une journée, sous la houlette de Johnny Bond, à faire des maquettes. Ils se rendent encore, en septembre, au studio de Wynn Stewart et y enregistrent d’autres titres restés inédits. Fin 1957, toujours en prévision d’un éventuel changement de marque, ils se rendent au studio Newborn de Conway Twitty, à Marianna, Arkansas, pour enregistrer un acétate. Là aussi, les titres demeurent un mystère...

Une fin en queue de poisson
Pourquoi Sam Phillips n’a-t-il pas édité plus de simples de Sonny ? La réponse est probablement la même que pour nombre de ses artistes : après le départ d’Elvis, il a des problèmes financiers et se concentre sur les chanteurs dont les disques se vendent bien, Jerry Lee Lewis en particulier, au détriment de ceux dont les premiers simples n’ont pas été de francs succès, comme Sonny.
L’autre raison tient sans doute à l’inexpérience de l’impresario du groupe. En 1956, les Pacers ont pris Gerald Grojean (ou Jerry Gorgene, comme je l’ai lu), directeur adjoint de KNBY. Mais il ne connaît pas grand-chose au métier et manque de relations pour trouver des galas hors des environs de Newport. Les Pacers contactent Bob Neal pour le remplacer. Lorsqu’il l’apprend, Grojean appelle Neal, le suppliant de ne pas lui enlever le groupe et Neal se laisse apitoyer. Néanmoins, lorsque Neal est évincé de la charge d’Elvis par le colonel Parker, Burgess revient à la charge et Neal devient leur impresario, les plaçant dans des tournées en vedettes américaines de Marty Robbins, Ray Price, Bob Wills, Johnny Cash, Roy Orbison, Jerry Lee Lewis, Elvis Presley, Collins Kids, Carl Perkins et Conway Twitty.
Durant cette période Sun, les Pacers développent un jeu de scène assez sauvage : ils forment une pyramide humaine au-dessus du contrebassiste, sautent dans la foule. Ils portent des costumes de scène blancs, noirs et rouges. Durant une période, Sonny se produit même avec les cheveux teints en rouge. La légende prétend que c’était pour coller avec le costume, les chaussures et la Fender rouges, mais c’est le fruit d’une erreur de manipulation ou de dosage : avant une tournée dans l’Ouest avec Cash, il décide de se teindre les cheveux en blanc (maintenant ils le sont, mais c’est naturel) mais ils prennent une teinte rouge orangé, qui tient trois semaines seulement et Sonny ne renouvelle pas l’expérience, surtout après un passage calamiteux à Albuquerque, qui lui vaut cette réflexion de Roy Orbison, lui aussi à l’affiche : “les spectateurs pourront raconter qu’ils ont vu le Perroquet de Wink et le Clown Rouge d’Arkansas“ !
En 1959 s’achève la période Sun de Sonny. Bobby Crafford conserve le nom du groupe et continue avec ce qui en reste.

L’après Sun
Sonny ne vivant pas à Memphis ou à proximité, il n’eut pas l’occasion d’accompagner d’autres artistes Sun en studio à la guitare. Les deux seuls chanteurs qu’il accompagna sont des compatriotes d’Arkansas : Bobby Lee Trammell (simple Vaden 304 Hi ho Silver/ Been a walking, enregistré au studio Hi de Memphis en 1959, avec Ace Cannon au saxo) et la même année, à radio KLCN de Blytheville, Teddy Redell sur Knocking on the backside (Vaden 110). Vaden, marque d’Arkansas, était dirigée par Arlen Vaden.
Début 1959, Sonny va à Concord, Arkansas, au studio Rimrock de Wayne Raney, pour réaliser des maquettes au cas où. Avec les Pacers, plus Zendall Raney à l’harmonica, il enregistre 7 titres dans le même mélange country/ rhythm’n’blues, qui sortiront finalement sur le 33t suédois Sunjay SJLP 561 The Flood Tapes puis 6 d’entre eux sur le CD Stomper Time britannique STCD 11 Arkansas Rock’n’Roll. Les bandes ont été perdues, du moins le croit-on longtemps. Mais, en 1983, la Whyte déborde à Jacksonport et la mère de Sonny, qui y vit, doit déménager temporairement. En sortant ses affaires, elle les retrouve, d’où le nom sous lequel elles seront baptisées.
En 1959, Sonny s’engage dans le groupe de tournée de Conway Twitty, qui a grandi à Helena, Arkansas, au sein duquel il retrouve Lewis et Nance. Ce dernier sera co-auteur du méga tube de Conway, It’s only make believe. Le groupe comporte donc Sonny et Joe, le batteur Porkchop Marcham, et un éclectique Jack Nance, passé au piano. Sonny passera ensuite à la basse. Il lui arrivera même de remplacer Conway, pris par ailleurs, sous le nom de Joe Friday. Dans le spectacle de Twitty, une place est laissée à ses accompagnateurs et Sonny et Joe interprètent toujours deux ou trois morceaux.
Tout n’est pas toujours rose avec Twitty.  Don Sanford Seat, son impresario, a tenté d’avoir Elvis fin 1955, mais RCA et le colonel Parker ont proposé plus. Il s’est rabattu sur Harold Jenkins, alors chez Sun, l’a transformé en Conway Twitty, encaisse tout ce que ce dernier rapporte et tient les cordons de la bourse serrés. Lorsqu’il est en tournée et a besoin d’argent, Conway doit lui téléphoner à New York, pour qu’il veuille bien lui en envoyer ! Une telle situation ne peut durer et Conway rompt les ponts, abandonne le rock’n’roll, revient à Oklahoma City et décide de faire carrière dans la country. L’orchestre éclate et Sonny rentre à Newport en 1961. Il y trouve un emploi stable.
Dans l’intervalle, en 1960, il enregistre une quinzaine de titres, qu’on trouvera sur le Sunjay SJLP 561 et le Stomper Time STCD 11 cités plus haut. Sept sont mis en boîte au studio Newborn de Conway Twitty, qui produit la session, avec Joe Lewis (bss) Kern Kennedy (pno) et Ollis Warren (bat). Les autres viennent du studio Rimrock de Wayne Raney, avec Joe Lewis (gtr) Johnny Ray Hubbard (bss) Kern Kennedy (pno) et Bobby Crafford (bat).
Après avoir quitté Twitty, Sonny s’associe avec un compatriote, Larry Donn, dont le groupe inclut le batteur Tommy Timms et le bassiste Skeeter Grady. Donn est animateur dans une station radio de Jonesboro, Arkansas. D’après Donn, la station aurait été KNBY, déjà citée, et le bassiste Gene McIntosh. C’est là, en 1961, avec Joe Long, autre animateur et ingénieur du son, comme producteur, que le duo enregistre un simple, sorti sur Ad-Bur (Ad = Adams, nom de jeune fille de la femme de Sonny et Bur = Burgess) le 100 The girl next door/ Today. Larry chante sur la 1ère face, Sonny sur l’autre. Bob King leur donne 200$ pour l’enregistrer, et refuse d’être remboursé sur les ventes. Mais l’association Donn/ Burgess ne dure pas, les activités radio de Larry ne lui laissant pas assez de temps pour se produire sur scène, encore moins partir en tournée. Il en reste un certain nombre d’inédits, finalement sortis sur le 33t néerlandais White Label 8817. Sonny récupérera Timms et Grady pour ses Kings IV.

Razorback
En 1962, Sonny forme les Kings IV (en référence à Bob King) avec Doug Geeno (gtr) Skeeter Grady (bss) Tommy Timms (bat) Gene Grant (sax tén) et Kern Kennedy (pno). Skeeter Grady, appelé sous les drapeaux, et Kern Kennedy les ayant quittés, Doug Greeno prend la basse, Gene Grant cumule sax et piano, Bob Nelson entre à l’orgue, Tommy Timms reste à la batterie. Les Kings IV deviendront un temps les Kings V. Ils enregistrent, à partir de 1964, pour Razorback, marque fondée par Bobby Crafford, qui permet à des artistes locaux de sortir des disques. Sonny reprend le circuit des clubs de Newport et des environs, se rendant le dimanche à Memphis avec son groupe pour voir les groupes R‘n‘B qui passent au Paradise de Sunbeam Mitchell.
Le premier simple de Sonny et les Kings IV, enregistré au studio Sonic de Roland Janes, ouvert en 1962 sur l’avenue Madison à Memphis, sur la nouvelle marque est le 117, avec une coquille : Lawdy Miss Claudia (sic). Ils auront 5 autres simples sur Razorback, dont le 136 avec une nouvelle coquille pour Fraulien (sic), jusqu’en 1967, ainsi qu’un bon nombre d’inédits, qu’on trouvera sur le CD batave Collector CLCD 4405.
Sonny et son groupe animent une émission sur une TV locale et décident de sortir un 45t 4 titres pour se promouvoir. Ils se rendent au studio Sonic, en 1966, pour ce disque sorti sous la référence The Sonny Burgess Show 101. En 1968, toujours au studio Sonic, il enregistrent les simples Ara 222 Blues stay away from me/ Fraulein et Rolando 151 500 miles/ Today tomorrow and forever, deux marques de Janes, en 1968. A l’époque, dans au moins un fanzine français, parut une publicité pour un 45t de Sonny, le Shakin‘ 001 Willie & the handjive - Lawdy Miss Clawdy - Red headed woman - We wanna boogie, titres annoncés comme en public. Nul n’en verra jamais la couleur. En revanche, en 1969, Michel Thonney édite le 33 tours 1969 CAEPE / Razorback RZ-1001 Sonny Burgess, Bobby Crafford & the Pacers, regroupant les dix titres édités par Razorback, plus deux de Bobby & les Pacers. C’est le tout premier album de Sonny de ce côté de l’Atlantique !

Creux musical puis le retour
A partir de 1970, la musique n’est plus le gagne-pain principal de Sonny. En 1972, il devient VRP sur 6 états pour St. Louis Trimming, une fabrique de dentelles et d‘accessoires pour robes de mariées. Les King V se séparent en 1974. Mais, en 1975, les célèbres frères Patrice et Hervé Barbat lancent une série légale de 45t Sun en France, avec des inédits. Sonny a droit à trois simples : les 606 Feel so good/ My babe, 612 Daddy blues/ One night et 622 So glad you’re mine/ All my sins are taken away. Cela relance un intérêt pour lui, en Europe du moins.
L’année suivante, la marque belge Black-jack sort le simple 4025 Honey hush/ Matchbox, et le fan suisse Michel Cattin, qui a déjà fait réenregistrer Bobby Crafford en 1970, réunit d’anciens Pacers (Bobby Crafford, Johnny Ray Hubbard, Kern Kennedy, J C Caughron, Fred Douglas, à qui il ajoute le sax de Paul Allen) derrière Sonny pour enregistrer, dans des conditions précaires, au studio Musad de Little Rock, le 18 janvier, l’album The Old Gang, qui sort sur sa marque Lake Country (503) puis est réédité sur Charly (CRM 2025). Sonny trouve que les morceaux manquent de punch. Il demande à Cattin d’ajouter de l’écho. Mais ni le studio ni Cattin n’ont le matériel, Cattin rentre avec la bande et l’édite telle quelle. Sonny n’en entendra plus parler jusqu’a ce qu’il vienne en Europe et qu’on lui donne un exemplaire. Durant le reste des années 1970, il continue de faire le VRP et joue à l’occasion.
En 1984, il enregistre une vingtaine de titres à Newport et au studio Rimrock de Wayne Raney, puis une dizaine en 1985. Finalement, il est invité à venir en Grande-Bretagne au festivals de Weymouth (1984) puis Birmingham (1985). Un couple britannique, Lee et Barry John, devenus ses amis, en profite pour organiser une session.
Sa carrière redémarre ainsi, surtout en Europe où il revient souvent. En 1986, pour un passage d’une semaine au Smithsonian Festival of American Folklife à Washington DC., trouvé par leur pote Jay Orr, se forme la Sun Rhythm Section avec Sonny (vo, l-gtr) Paul Burlison (ex Rock’n’Roll trio de Johnny Burnette (l-gtr & cbss) Marcus Van Story (vo, r-gtr, har, cbss) Stan Kessler (cbss) Jerry Lee “Smoochy“ Smith (vo, pno) et D.J. Fontana (bat). Ils auront 4 albums, sur Flying Fish, Sunjay et Magnum Force.
En 1992, le chanteur des Blasters, Dave Alvin, participe à l‘album High Tone HCD 8039 Tennessee Border avec Sonny, de même qu’au Rounder 3144 Sonny Burgess Has Still Got Iten 1996. En 1999, Sonny fait sensation avec les Pacers, reformés (Bobby Crafford, Jim Aldridge, Fred Douglas, Kern Kennedy, et J.C. Caughron) pour l‘occasion, au cours d‘un concert à Las Vegas.
Il commence alors à sortir des CD sur sa propre marque, dont Still Rockin‘ and Rollin’ en 2000. Ses derniers en date sont Tear It Up (St George STG 7712) en 2006 et Gijon Stomp, un peu bâclé (El Toro) en 2009.
Entre deux concerts, Sonny anime une émission de radio, We Wanna Boogie, sur KASU, à Jonesboro, comté de Craighead.
Il a eu diverses occasions de quitter Newport, mais a préféré y rester, au milieu de ses amis et c’est aussi bien ainsi.
Gageons qu’il appréciera le cadre rural et tranquille d’Attignat et de la Bresse.

©Bernard Boyat (Le Cri du Coyote n°121)

Sources :
The Sonny Burgess Story (New Kommotion) Discography, Biography, Photos, etc. par  Adam Komorowski
+ livret et notes de pochettes + questions posées à Sonny Burgess et Bobby Crafford.

Indispensable : SONNY BURGESS : CLASSIC RECORDINGS 1956/59 (1991)
We wanna boogie - Red headed woman - The prisoner‘s song - We wanna boogie - Red headed woman - The prisoner‘s song - All night long - Life‘s too short to live - Restless - Ain‘t got a thing - Daddy blues - Fannie Brown - Y.O.U - One broken heart - Ain‘t gonna do it - Hand me down my walking cane - Please listen to me –Gone - Please listen to me - My babe - My bucket‘s got a hole in it - Sweet misery - Whatcha gonna do - My bucket‘s got a hole in it - Sweet misery - Oh mama - Truckin‘ down the avenue - So glad you‘re mine - Whatcha gonna do - Feelin‘ good - So glad you‘re mine - One night - Always will - Little town baby - You‘re not the one for me - Mr Blues - Find my baby for me - Tomorrow night - Tomorrow never comes - Skinny Ginny - So soon -Mama Loochie 1 & 2 - Itchy - Thunderbird - A kiss goodnight - Sadie‘s back in town - Smoochin‘ Jill - A kiss goodnight - My baby loves me. Bear Family (Al) BCD 15525.

 
 
Reproduction de l'article avec l'autorisation de Bernard Boyat et Jacques Brémond (Le Cri du Coyote)
contact : cricoyote@orange.fr
 
 
 
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